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Gran Balan de Christiane Taubira : premier roman en terre natale.

Dernière mise à jour : 11 oct. 2020


Éditions Plon, 2020, 480 p.


La mission que s’est donnée l’ancienne Garde des Sceaux : offrir à ses lecteurs un roman polyphonique avec pour fond d’écran sa Guyane natale. Mais Gran Balan ne se limite pas uniquement à ce territoire. L’auteure fait une incursion au Surinam et nous emmène également au Brésil en parcourant l’Amazonie.

Kerma, Hébert, Pol-Alex, Dora, Sula, Sang-nom, Elles, Ellen sont les huit chapitres qui illustrent les différents protagonistes de ce roman sociologique. Utilisant une trame chronologique allant du début à la clôture du procès de Kerma, Gran Balan met en scène les peines et les joies individuelles sur fond de grande Histoire très détaillée.

Kerma Nossi comparaît devant la Cour d’assises pour complicité dans un braquage. Face au juge, à la magistrature, au jury populaire et à l’assemblée de citoyens présents, il est temps, après quatre ans d’emprisonnement, de s’expliquer. Intimidé par les questions de l’avocat général, il cherche dans la foule le regard de sa mère. En vain. Alors pour tenter de tenir face à toute ce beau monde, il pense à Ti Momo, l’ancêtre rencontré sur la place des amandiers. Maître des jouxtes verbales, ce dernier était devenu son rempart contre le désespoir.

Avec Hébert, nous quittons la Cour d’assises pour rejoindre le carnaval. Les Touloulous paradent sous le son de clarinettes, de quelques tambours et les cris de la foule. La troupe, qui comprend Hébert, fera le tour de la ville. Le long de son parcours, nous croisons les monuments et édifices témoins d'une architecture ancestrale. Les groupes se succèdent, faisant revivre les héros d’une autre époque. Les symboles et les références au passé sont bien présents, réincarnés par des descendants fidèles à leur histoire caribéenne.

À la croisée de leurs chemins


Pol-Alex entame une nouvelle journée de travail. Educateur, il rejoint le centre fermé (CEF) pour jeunes. Les rencontres qu’il organise visent à regagner une confiance auprès d’une jeunesse dont il peine à maîtriser les codes. Car il s’agit avant tout de persuader le groupe à respecter les siens. Faisant fi du travail des associations locales, regrettant souvent l’approche de l’Etat, il préfère adopter une approche individuelle face à une problématique qui semblent dépasser les acteurs de terrain.

Mais il s'agit surtout de nous en révéler leurs contradictions. Nous les dévoilant à travers un procédé de témoins-relais, leurs existences s’entremêlent pour donner cours à des échanges vifs et animés. Mettant en lumière les barrières entre les générations mais également les changements qu’ils peuvent opérer, ils offrent rythme et légèreté dans un récit qui traitent d’une thématique souvent ardue et complexe.

La justice est décrite selon différentes perspectives, incarnées tour à tour par les différents échelons. Kerma, Pol-Alex, Hébert, Dora et Sula incarnent chacun à leur niveau un visage la mettant en scène, la reniant ou cherchant simplement à composer avec elle.


Energie, puissance mais aussi minutie et musicalité caractérisent l’écriture de ce roman.

S’inscrivant dans les traces de Mahagony d’Edouard Glissant, Gran Balan rappelle à de nombreuses reprises les épopées de Mathieu Béluse. Il s’agit d’un roman enrichissant à plus d’un égard. Il redonne voix à une multitude de diversités tout en nous offrant une escapade dans un lieu habité d’une histoire vibrante et remplie de symboles décrits et illustrés avec beaucoup de passion.


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